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« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », a dit un sage.


vendredi 31 janvier 2014

Un 31 janvier que je ne devrais plus oublier

J’ai eu tendance, durant ces 25 dernières années, d'oublier de me souvenir du 31 janvier comme d’une date mémorable pour moi. Car en effet, il s’agit d’une date clé. C’est-à-date que j’ai été libéré de prison après 5 mois infligés à tous ceux que la police politique du Major Buyoya voulait punir pour avoir eu le culot de signer une lettre ouverte. Nous avions été six personnes (sur les 27) à avoir été arrêtées.
Cette libération était atypique. Le ministère public avait été prié de signer un mandat d’élargissement près d’une semaine plus tôt. Le gouvernement n’en pouvait plus, suite aux pressions de la communauté internationale qui avait juré que Bujumbura n’aurait plus aucun sou si les signataires de la lettre du 22 aout 1988 n’étaient pas libérés.
Puis, dans la cacophonie, l’autorité politique a annoncé la mesure en priant la presse à en faire la plus large diffusion, mais sans avoir donné au parquet général alors dirigé par Marc Birihanyuma de préparer les dossiers, car nous n’en avions pas. La libération annoncée n’eut pas lieu. Il nous a fallu passer quatre autres longs jours à Mpimba, ce qui soulevait mille questions dans l’opinion publique désabusée.
Le parquet général de Marc Birihanyuma était dépassé par la situation.
Le procureur général organisa donc lui-même en personne des interrogatoires massifs à la va-vite. Il y avait un objectif caché : les services spéciaux préparaient un coup fourré (IREMENTANY), des dossiers fabriqués de toutes pièces, qui leur serviraient de caution immorale pour arrêter à nouveau les plus ciblés d’entre nous.
C’est ce qui m’arriva vers la mi-février 1989. Le colonel chef des Services secrets avait doublé les moyens logistiques de ses « sûretards » de Gitega où j’habitais. Je faisais l’objectif d’une surveillance exceptionnelle, même quand j’entrais dans une église pour prier.
 
Un jour je me suis rendu à Bujumbura en visite de courtoisie auprès du Nonce apostolique, qui m’avait hébergé pendant les moments difficiles, pendant que les policiers étaient sur mes trousses pour m’arrêter.
A peine étais-je retourné à Gitega qu’un émissaire m’a été envoyé pour m’annoncer que mon séjour à Bujumbura n’était plus souhaitable…  D’autres intimidations du genre suivirent sans répit...
Finalement, le 20 février, une convocation du patron de ce qui était la Documentation de l’époque est m’est parvenue, verbalement, par le biais du « Sûretard » en chef de Gitega.  J’étais tellement avisé que je ne pouvais pas commettre l’erreur de me présenter à mon ancien tortionnaire. J’ai aussitôt fui le même jour avec toute ma famille.
Le HCR et son combat contre un commando de gangsters envoyés par Bujumbura
Au lendemain de notre arrivée à Kigali, une alerte a été donnée. Un commando de 5 gangsters avaient été envoyés par Bujumbura pour me kidnapper. Ils n’ont pas eu de chances. Mais moi j’ai eu la mienne.
Car un mois plus tard, j’étais à Genève pour être aussitôt admis comme réfugiés politique. Le HCR et le CICR avaient tout fait pour m’offrir l’assistance que je méritais. Je me souviens de ce fonctionnaire de nationalité japonais, M. Takada, qui s’est démené jour et nuit pour trouver une issue aux préoccupations dont j’étais l’objet et surtout pour m’aider à échapper au commando.
Je me souviens aussi de la rapidité extraordinaire avec laquelle l’ambassade de Suisse à Kigali a traité mon cas. Je me souviens évidemment de tout ce monde, policiers, agents d’immigration, personnel au sol de la compagnie Sabena de l’époque qui m’ont pris en charge à l’aéroport international de Kigali, me faisant monter dans l’avion sans avoir dû passer par les couloirs habituels en vue de me soustraire aux regards insécurisants.
Je me souviens encore de ces autres hommes et femmes qui, à Bruxelles, en attendant la connexion sur Genève, m’ont accueilli dans un salon discret,  avec ma famille, après plus de 10 heures de vol via Djeddah, pour poursuivre le voyage sans heurts.
Ce jour du 31 janvier 2014, 25 ans après les faits, je leur en remercie encore vivement.  
 
 
 

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