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« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », a dit un sage.


lundi 17 février 2014

Parler..., parler..., parler... En attendant mieux

Pendant que j'écrivais mon article, je suis tombé sur un message posté par un ami, qui nous rappelle les sagesses de Martin Luther King. Le pasteur et héros de la conscience noire américaine a dit : "Nous devons tous apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons tous mourir ensemble comme des idiots". J'apprécie énormément et j'aimerais que les Barundi de ce 17 février 2014 adoptent ces mots.   

Revenons maintenant sur la crise politique en cours à Bujumbura suite aux échauffourées d'hier au Kumugumya et sur les réactions suscitées par mes analyses / commentaires des dix derniers jours.

D'emblée, j'ai observé la confirmation du phénomène que j'avais vu venir dès les premiers jours de la crise : quand les Burundais ont peur, qu'ils ne peuvent plus se faire confiance et que l'intolérance règne dans tous les côtés, les vieux clichés resurgissent. Les hutu parlent comme des hutu; les tutsi comme des tutsi et chacun veut présenter coûte que coûte sa vérité en assurant que celle-ci est la meilleure. On voit les bons d'un seul côté et les mauvais de l'autre. C'est la misère.

Quand à cela s'ajoutent les dangers potentiels d'une année pré-électorale, dans un pays où on nous a refusé les très attendus moments de vérité réconciliation, ce qui empêche la plupart d'entre nous de réagir rationnellement, obéissant uniquement à des contingences émotionnelles, tout se passe comme si nous étions dans un monde de "ratés" (pardonnez-moi ce gros mot!).

J'aime les vraies et bonnes questions, posées intelligemment, même quand celles-ci dérangent.

D'où cela vient-il?

Dans cet article, je réitère mes convictions et je donne des références pour en savoir plus. Surtout, j'informe mon très grand ami Jean Claude Nkundwa, qui avec lucidité et intellect, m'a questionné dans un post de ce jour sur mes affirmations de ce week-end paru sous le titre : "Crise gouvernenetale à Bujumbura : la fin de l'acte I du psychodramme à l'Uprona?

Je me fais le plaisir de réagir à la question posée sur les vérités sélectives dues au conflit hutu-tutsi en proposant la lecture de la page 289 de mon livre : Le temps Mandela au Burundi. Ce que j'ai compris. Récit de plus de 30 ans d'engagement. Edit. Remesha, Genève, 2001."

Vous verrez d'ailleurs, vers la fin du présent article, un post séparé qui suit ce même jour, avec des photos à la clef. Je vous expliquerai pourquoi elles sont là. 

Pourquoi le chaos peut triompher ?

Commençons donc maintenant par le commencement et disons ceci : à cause du manque d'un espace officiel, public et politiquement cadré pour favoriser l'expression des bonnes pratiques et des bons sentiments, le terrain est vite monopolisé par ce que nos politologues peuvent appeler "les forces du chaos", qui pourraient se recruter dans toutes nos familles politico-politiciennes qui s'affrontent.

Il ne faut plus, dans ce contexte, parler de libertés fondamentales et de droits humains. Les gens ont même tendance à oublier une valeur républicaine qui est pourtant cardinale dans toutes les civilisations qui se respectent à savoir : le respect des institutions.

Je voudrais donner un exemple : un ami Facebook nous a proposé hier des images montrant les Chefs militaires qui nous ont dirigé depuis 1966. Il a décrit Micombero le Général, Bagaza le Colonel et Buyoya le Major.

Parlant de Nkurunziza, mon "ami", faisant comme si Ndadaye, Ntaryamira, Ntibantunganya et Ndayizeye n'avaient pas existé en tant que Chefs d'Etat (mais peut-être que cela n'était-ce pas important dans sa démarche, donc je ne m'y attarde pas!)... Mon ami a alors écrit : "Nkurunziza l'idiot".

Ailleurs, une éditorialiste d'une radio populaire de chez nous a parlé de gens "ivres" de pouvoir. Ce genre d'allusions sont fréquentes sur la toile.

Moi même, quand je m'exprime comme l'homme libre et indépendant que je suis, j'essuie régulièrement quelques insultes, comme c'est arrivé tout à l'heure (c'était vers 14:00, heure de Genève): un certain Théophile Habonimana, qui dit résider à Genève comme un requérant d'asile s'est permis de m'apostropher gratuitement en écrivant,

Je cite : "Bambwiye k'ur'umu CNDD. N'akabayi. Ntaco ndakurondera ko (...) Na Ancille yari yabimbwiye nuko nari nibagiye. Urabwira abameze nkawe ko muri ibitabanga. Il a ajouté des mots encore plus durs et plus graves. Puis je lui ai répondu comme je le fais généàralement dans de pareilles circonstances : Imana iguhezagire.

J'aurais dû ajouter. Ni bakurekurire ntuzi ico uriko urakora. Car nombre de jeunes ont été éduqués pour réagir de cette manière. Car ça me fait pitié.

Mais convenons-nous tout de même qu'il s'agit d'un dérapage. Surtout, quand vous parlez du Président de votre pays, que vous l'aimiez ou pas, vous devriez avoir conscience que là vous parlez de deux personnages qu'il faut savoir séparer.

Quand il s'agit de Nkurunziza l'homme, l'humain, le natif de la commune de Mwumba, ancien chef dans le maquis comme n'importe qui, c'est totalement différent quand vous parlez de Nkurunziza le Président de la République. Le respect d'un pays commence toujours par le respect de ses institutions; or, il se fait que le Président de la République est au sommet de toute la hiérarchie.

Tout peut être dit, tout dépend de comment on le dit

Si par cas de force majeure vous devriez manifester votre colère, comme cela m'est souvent arrivé quand, représentant international du Frodebu, je militais contre les régimes Upronistes des années 1989-1993, c'est un droit. Mais, avec le recul, je sais et je puis dire que ce même droit vous oblige à observer un devoir que toutes les Nations civilisées connaissent: agir avec discernement, respecter l'autre, se mettre à sa place, surtout quand vous parler de la plus haute autorité de l'Etat.

Les spécialistes du journalisme ont mieux compris, eux qui disent : "tout peut être dit, mais tout dépend de comment vous le dites".

C'est pourquoi dans l'histoire Uprona / CNDD-FDD de nos jours, un Imbonerakure électrisé ne s'empêchera pas de déclarer : "tuzohigura n'irya mihimbiri". Un policier en faction dira, sans se gêner ni craindre la proximité d'un micro, qu'en cas de flagrant délit, un élu peut être arrêté en dépit de son immunité parlementaire.

C'est de cette manière que la dérive peut virer vers l'innommable. Les sages vous diront donc : Iyibize nabi uyima ifu. C'est cela qu'il est difficile de faire passer face à la surchauffe  que nous vivons suite à l'affaire Busokoza.

Bref, pour moi, celui ou celle qui sauvera le Burundi de son guêpier actuel, c'est celui ou celle qui saura se référer à cette sagesse tout en restant ferme avec les grands principes citoyens.

C'est ce qu'il faut en attendant mieux.








VERITES SELECTIVES : ECLAIRAGES POUR MON AMI JEAN CLAUDE

Le document ci-dessous représente la page 289 de mon livre écrit sur l'expérience de Mandela au Burundi. Sur la question de la vérité sélective sur les réalités hutu-tutsi de chez nous, le lecteur a ma réponse, à chaud, dans cet ouvrage datant de 2001. Les photos qui figurent vers la fin de l'article illustrent en partie (j'ai bien dit en partie) le contexte de mon cheminement personnel. Elles me montrent en compagnie de trois amis d'infortune de l'année 1987, année où la Deuxième République était arrivée à se brouiller avec pratiquement toutes les composantes socio-politiques nationales sous le couvert du conflit Eglise Etat qui était en réalité la conséquence de la politique ethniste de l'époque.

J'ai dit "amis d'infortune" car nous nous étions retrouvés à la Prison Mpimba pour des motifs politiques.

Certains étaient là depuis 4 ans, comme Jean Paul, un officier supérieur de l'Armée; d'autres depuis 2 ans comme Augustin (un ancien député)  et son frère Léonidas, un ancien brillant syndicaliste qui avait officié en tant que conseiller présidentiel.

J'étais le seul intellectuel d'origine hutu dans cette équipe. Nous nous étions évadés de la prison avec le but d'aller combattre le système Bagaza depuis l'extérieur, en mobilisant toute l'opposition que nous souhaitions voir se regrouper sous une même bannière, au delà des appartenances ethniques, claniques et régionalistes.

Le Président Mobutu (je ne cache pas ce détail) avait donné des ordres pour que nous soyons bien accueillis et bien soutenus par ses hommes depuis Uvira jusqu'à Kinshasa en passant par Bukavu et Goma.
Nous étions ainsi logés à la cité présidentielle de N'Sélé, Villa n°3 (le n°1, c'était la villa du Président, le n°2 accueillait Jonas Savimbi de l'UNITA), à 60 km de Kinshasa, sur les rives du fleuve Zaïre.

Le Maréchal nous appuyait très concrètement et derrière ce soutien se profilait aussi celui des Occidentaux qui voulaient, comme au Vatican ou à Paris, voir le Colonel Président renversé afin de mettre fin au Gouvernement anticlérical et autoritaire de Bujumbura.

J'avais été moi même arrêté à Gitega pour avoir été considéré comme étant un ami de notre Conférence épiscopale catholique, ce qui était vrai. Mais derrière tout cela, les services secrets du Colonel Ndabaneze me présentaient comme étant un Hutu très dangereux, le plus dangereux de la République, disait-on en renchérissant, dans l'entourage du colonel Ndabaneze. Il paraît que je réalisais une ascension politique inquiétante pour la hiérarchie de l'époque.

J'avais un autre péché : j'étais originaire du "mauvais" endroit au regard des maîtres régnants : Muramvya (fief de l'ancien establishment) qui était rival de Bururi (fief du nouveau Jérusalem burundais depuis 1966).

En plus, on me collait une étiquette incompatible avec l'idéologie déviante de cette année 1987 : journaliste fonctionnaire, j'avais le tort d'être un intellectuel libre, indépendant. J'étais ainsi diabolisé et cette diabolisation m'avait accompagné jusqu'à Mpimba.

Mais, au fur et à mesure que les jours passaient durant mes 8 mois de détention sans inculpation ni procès, mes amis d'infortune m'observaient, puis avaient fini par se faire leur propre idée sur ce que j'étais réellement. IL faudrait écrire tout un roman pour relater les faits.

Ainsi, le samedi , 22 août 1987 à 19:00 précises, suite à des préparatifs qui avaient duré plus de 3 semaines, nous nous sommes évadés de prison, grâce à une espèce d'opération commando montée par celui que j'appelle mon grand frère Jean Paul.

Nous étions quatre hommes (photos ci-dessous), tous tutsi, sauf moi. Un officier d'Etat major apprenant la nouvelle de cette évasion après coup et qui fit bien des bruits dans les hautes lieux bagazistes, s'est éclaté et a fait remarquer à ses collègues au Mess des officiers de Bujumbura en utilisant à peu près les mots suivants : "si le Déo dont on parle a fui avec un groupe exclusivement tutsi, eh bien, vous devez en conclure qu'il y a des problèmes dans ce pays; vous devriez en avoir conscience au lieu de vous affoler inutilement".

Voilà je m'arrête là pour ce qui est de cette longue histoire que nous n'avons d'ailleurs pas encore racontée. Quelques détails sont cependant disponibles dans ce livre, trouvable au Centre culturel français de Bujumbura.





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